Mes coups de cœur 2019

Après avoir lu 24 livres en 2018, j’étais motivée à faire plus. Mais 2019 n’aura pas été une année bien littéraire. Sur les 27 livres lus, certains sont néanmoins de jolies perles qui me marqueront longtemps. Petit focus sur six ouvrages que je vous conseille grandement : un Japonais, un Allemand, trois Américains et un Français.

Petits Oiseaux, Yoko Ogawa, 2014

Yoko Ogawa est une autrice capable de m’entraîner partout où elle le désire. Son univers onirique, parfois déjanté, laisse la parole aux sens. Dans Petits Oiseaux, il est question d’ouïe et de langage : deux frères vivent en quasi-autarcie dans un petit village. L’aîné s’adapte à son frère, un homme attaché à ses habitudes et ne parlant qu’une langue mystérieuse : le Pawpaw. « Il avait ramassé les cristaux de mots qui s’étaient échappés du gazouillis des oiseaux. » Yoko Ogawa lie ces deux personnages au lecteur. Et lorsque le jeune frère sera pointé du doigt, Petits Oiseaux s’envolera vers une ode à l’acceptation de la différence.

Corpus Delicti : un procès, Juli Zeh, 2010

Je suis raide dingue des romans de Juli Zeh depuis la découverte de L’Aigle et l’Ange. L’autrice allemande passe son temps à changer de décor, de genre, et à brouiller les pistes. Dans Corpus Delicti : un procès, elle choisit l’anticipation. En 2057, le monde s’est écarté de la guerre et de la pollution. L’État surveille la santé de ses citoyens, qui doivent respecter tout un tas de règles. La maladie, physique comme mentale, est interdite par la loi. « Je retire toute confiance à une société composée d’êtres humains, mais fondée sur la peur de l’humain. Je retire toute confiance à une civilisation qui a trahi l’esprit au profit du corps. » Mia, jeune biologiste, se retrouvera contrainte d’affronter le système. Une dystopie poétique et ingénieuse.

Un jardin de sable, Earl Thompson, 1970

Un livre qui se lit comme si l’on était debout sur un ring, à éviter les coups. Un jardin de sable est un grand cri de souffrance : celui des laissés pour compte, des affamés. De ceux qui se battent tous les jours contre le mépris, l’alcoolisme et la violence. Dans l’Amérique des années 30, Jacky, petit bout de chou qui n’a rien demandé à personne, doit grandir trop vite. « À compter de ce temps-là, la nuit allait toujours prendre pour lui la forme d’une femme, parfois allongée paresseusement, lascivement sur le paysage, parfois tordant les arbres ou lacérant les océans obscurs dans sa fureur. » Earl Thompson livre un véritable chef d’œuvre dans lequel puiseront les plus grands romanciers américains. Âmes sensibles s’abstenir !

Beloved, Toni Morrison, 1987

Je n’avais que trop entendu parler de la grande Toni Morrison, sans avoir jamais ouvert l’un de ses livres. Quelle erreur ! Beloved s’est amarré à mon bras sans jamais le quitter. Et lorsqu’il a été terminé, il est longtemps resté échoué dans mes pensées. Dans ce roman terriblement dur, Sethe, ancienne esclave, est hantée par la fille qu’elle a sacrifiée au nom de la liberté. « Il savait exactement ce qu’elle voulait dire : arriver quelque part où l’on pouvait aimer ce que l’on voulait – ne pas avoir besoin d’autorisation pour désirer-, eh bien, ça c’était la liberté. » Une ode humaniste… Et une grande leçon d’écriture.

Moi, ce que j’aime, c’est les monstres, Emil Ferris, 2017

C’est un livre un peu particulier, mais qui mérite largement sa place dans cette liste : Moi, ce que j’aime, c’est les monstres est un roman graphique complètement dingue. Le lecteur découvre le journal intime de Karen Reyes, dix ans, jeune prodige du dessin obnubilée par les monstres auxquels elle s’identifie. « Si, en général, les sous-sols sentent le surréalisme, les cuisines et les jardins, eux, sentent toujours l’impressionnisme. » Lorsqu’elle apprend la mort de sa belle et mystérieuse voisine, Karen décide de mener l’enquête. Moi, ce que j’aime, c’est les monstres est un objet étrange et sublime où les illustrations au stylo glissent entre le Chicago des années 60 et l’Allemagne nazie. C’est surtout une grande déclaration d’amour à l’art.

Ma dévotion, Julia Kerninon, 2018

2019 marquait l’année de ma rencontre avec l’autrice Julia Kerninon, dans le cadre des Cafés littéraires. Son dernier roman, Ma dévotion, suit Helen, vieille femme, qui rencontre par hasard au bord d’un trottoir celui avec qui elle a partagé la plus grande partie de sa vie, et qu’elle n’a pas revu depuis plus de vingt ans. Se déroule alors l’histoire de sa vie : une histoire d’amour, d’amitié et de haine déchirante. « C’était ma position dans le monde – j’étais le lieu où tu revenais. » Manque de communication, emprise et égocentrisme, frustrations… Julia Kerninon pousse ses personnages jusque dans leurs retranchements, et explore la mouvance des émotions, le temps d’une vie.

Laisser un commentaire